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Dans les dernières œuvres de Francesca Mollett, un sentiment d’éclatement et de recomposition s’exprime à travers des récits visuels métaphoriques, où les formes se délitent pour mieux se réinventer. Façonnées par le temps ou le frémissement d’un battement de cil, ses surfaces éclatées semblent composées de regards épars et résonnent d’une pluralité de perceptions et de pensées. Réagissant aux interactions de la lumière et de l'espace, du mouvement et de la matière, l'artiste crée un langage pictural fait de renversements et de multiplications, de perforations, de glissements et de transmissions.
Même en l'absence de figures, ses toiles semblent pourtant hantées par la question du corps. Traversées de gestes, de traces et de tensions, elles explorent les dynamiques d’attraction, de rapprochement et de transformation entre les choses. Dans ces œuvres, Francesca Mollett explore avec minutie les processus d’infiltration et de réverbération, examinant leur pouvoir à brouiller les limites et à dissoudre les oppositions. Ses peintures deviennent alors des surfaces complexes, tissées de reflets et de failles, où se croisent reconnaissance et mise à distance.
« Il y a quelque chose dans l'émulation du reflet et du miroir ; c'est le moyen par lequel les choses dispersées à travers l'univers peuvent se répondre », écrit Michel Foucault dans « La Prose du monde », décrivant la capacité de l'éclairage et de la réflexion à créer des liens de ressemblance et d'échange sans contact ; à transmettre et à dupliquer tout en abolissant la distance. C’est à partir de cet essai, consacré aux fonctions opératoires de la ressemblance dans l’élaboration du savoir à la Renaissance, que l’œuvre Terrestrial Stars emprunte son titre. Selon Crollius (cité par Foucault), les « étoiles terrestres » sont des plantes imitant les étoiles, projetant leur lumière vers le ciel, tandis que les étoiles sont à leur tour des « plantes célestes » projetant leurs qualités particulières vers le sol. Cette cartographie des similitudes et des vibrations, de la manière dont les choses existent et pourraient exister les unes dans les autres, constituent un élément fondamental dans cette nouvelle série d’œuvres.
Les capitules globuleux de Stave diffusent des ombres noires qui s’étirent jusqu’aux tiges, évoquant des figures disséminées – métaphores d’un temps suspendu, irréductible. Des réseaux sombres et denses, évoquant une structure arachnoïde, s’étendent sur la toile. Par endroits, ils convergent pour former les lignes d’une portée musicale, se faufilant derrière les notes. Plus loin, les ombres se croisent de façon chaotique, rendant la lecture de l’espace plus complexe. Des gris plissés, presque liquides, miroitent au sol : un chuchotement optique s’y propage, entre le craquement et le velours, l’éclat et l’ombre, le haut et le bas.
Dans Sous-bois, une vibration lumineuse émane de l’interaction entre les lampadaires d’une rue et la lumière du soir. Cette superposition produit des verts singuliers, projetés sur les feuilles d’une plante ou filtrés par les lattes d’une clôture couleur menthe. Le terme Sous-bois, qui signifie « sous les arbres » ou « broussailles », a été utilisé comme titre par Cézanne et Van Gogh, et désigne désormais un sous-genre de la peinture impressionniste, réalisée en forêt. Représentant des scènes enchâssées dans la nature, ces « paysages » deviennent verticaux, proches et intimes. Pour cette œuvre, Francesca Mollet représente une végétation en croissance, tout comme les signes de sa décomposition. Elles se faufilent entre les planches d’une barrière pour s’amasser en une traînée compacte, semblable à une couronne posée au sol. Malgré cette orientation terrestre, la peinture est saturée de reflets du ciel, qui transforment les végétaux emmêlés en surfaces réfléchissantes, en halos lumineux ou en puits d’ombre.
Les peintures de Francesca Mollet s’articulent souvent autour d’éléments qui fonctionnent comme des brèches dans la composition. Loin de simplement fragmenter l’image, ces ouvertures proposent de nouveaux modes d’approche et de lecture. La lunaire annuelle (annual honesty), qui donne son nom à l’exposition, produit des gousses plates et translucides, semblables à des lunes. Surnommée également « monnaie-du-pape », elle révèle, avec sincérité, tout ce qu’elle contient. Une fois les gousses tombées, des membranes circulaires subsistent, dessinant le contour d'un trou ou d'une fenêtre. Dans cette mise en mouvement, fait d’apparitions, de disparitions et de retours, la plante incarne une forme d’honnêteté, miroir du processus même de la peinture.
Une part du processus de Francesca Mollett consiste à trouver un équilibre entre contexte et détail – à donner juste ce qu’il faut, en termes de composition, pour que quelque chose fonctionne ou s’active. Après tout, pour déstabiliser, il faut d’abord que les choses soient figées. La peinture devient une matière vivante, un terrain d’expérimentation où l’image se dépose et où l’artiste tente de faire émerger une essence capable de susciter un déséquilibre interne. De cette instabilité naît une tension latente, une énergie suspendue, prête à se retourner pour faire émerger l’œuvre dans une forme nouvelle. Ses compositions se déploient comme des cadres temporaires, mouvants, à travers lesquels l’image circule et agit dans la matière picturale. L’artiste oscille entre l’impulsion originale et une prise de distance, cherchant tour à tour un substitut à la dynamique qui s’opère dans la peinture aussi bien qu’un espace de liberté où l’œuvre peut se générer ou se transformer d’elle-même. En écho aux dynamiques élémentaires de transformation, ses peintures élargissent les potentialités de leurs sujets par l’abstraction. Par éclatement et recomposition, elles font apparaître de nouvelles chaînes de liens et des trajectoires en devenir. Chaque toile semble alors chargée d’une temporalité stratifiée, marquée par des vestiges, des indices, des passages vers ce qui a été et ce qui pourrait advenir.
– Bryony Bodimeade
Francesca Mollet est née en 1991 à Bristol. Elle vit et travaille à Londres. Elle est diplômée en peinture du Royal College of Art, Londres (2020) et a également étudié au Royal Drawing School et au Wimbledon College of Art, Londres.Son travail à fait l’objet d’expositions récentes notamment Elsewhere, Warehouse Dallas, TX (USA); Corso, GRIMM, New York, NY (USA); Noon, Pond Society, Shanghai (CN); Halves, GRIMM, Amsterdam (NL) et Low Sun, Micki Meng, San Francisco, CA (USA), 2023; The Moth in the Moss, Taymour Grahne Projects, Londres, 2022; Spiral Walking, Baert Gallery, Los Angeles, CA (US), 2022 et Wild Shade, Informality Gallery, Londres, 2021.
Son travail a été montré dans des expositions collectives comme A Room Hung With Thoughts: British Painting Now, curatée par Tom Morton, Green Family Art Foundation, Dallas, TX (US); New British Abstraction, CICA, Vancouver (CA); Considering Female Abstractions, Green Family Art Foundation, Dallas, TX (US), 2023; Sabrina, curatée par Russell Tovey, Sim Smith, Londres; The Kingfisher’s Wing, curatéer par Tom Morton, GRIMM, New York, NY (US), 2022; New Romantics, The Artist Room chez Lee Eugean Gallery, Séoul (KR); Down in Albion, L.U.P.O. Lorenzelli Projects, Milan, (IT), 2022; et London Grads Now, Saatchi Gallery, Londres, 2020. Le travail de Francesca Mollett fait partie des collections du Comico Art Museum Yufuin, Oita Japon; David and Indrė Roberts Collection, Londres; the Green Family Art Foundation, Dallas, TX; He Art Museum, Foshan, Chine; Institute of Contemporary Art, Miami, FL; K11 Art Foundation, Hong Kong; Kröller-Müller Museum, Otterlo, Pays-Bas; Kunstmuseum, La Haye, Pays-Bas; Olivia Foundation, Mexico City, Mexico; Pond Society, Shanghai, Chine; The Rachofsky Collection, Dallas, TX, US; Sainsbury Centre, Norwich, et The University of Oxford, St Hilda’s College Art Collection, Oxford.
Dans les dernières œuvres de Francesca Mollett, un sentiment d’éclatement et de recomposition s’exprime à travers des récits visuels métaphoriques, où les formes se délitent pour mieux se réinventer. Façonnées par le temps ou le frémissement d’un battement de cil, ses surfaces éclatées semblent composées de regards épars et résonnent d’une pluralité de perceptions et de pensées. Réagissant aux interactions de la lumière et de l'espace, du mouvement et de la matière, l'artiste crée un langage pictural fait de renversements et de multiplications, de perforations, de glissements et de transmissions.
Même en l'absence de figures, ses toiles semblent pourtant hantées par la question du corps. Traversées de gestes, de traces et de tensions, elles explorent les dynamiques d’attraction, de rapprochement et de transformation entre les choses. Dans ces œuvres, Francesca Mollett explore avec minutie les processus d’infiltration et de réverbération, examinant leur pouvoir à brouiller les limites et à dissoudre les oppositions. Ses peintures deviennent alors des surfaces complexes, tissées de reflets et de failles, où se croisent reconnaissance et mise à distance.
« Il y a quelque chose dans l'émulation du reflet et du miroir ; c'est le moyen par lequel les choses dispersées à travers l'univers peuvent se répondre », écrit Michel Foucault dans « La Prose du monde », décrivant la capacité de l'éclairage et de la réflexion à créer des liens de ressemblance et d'échange sans contact ; à transmettre et à dupliquer tout en abolissant la distance. C’est à partir de cet essai, consacré aux fonctions opératoires de la ressemblance dans l’élaboration du savoir à la Renaissance, que l’œuvre Terrestrial Stars emprunte son titre. Selon Crollius (cité par Foucault), les « étoiles terrestres » sont des plantes imitant les étoiles, projetant leur lumière vers le ciel, tandis que les étoiles sont à leur tour des « plantes célestes » projetant leurs qualités particulières vers le sol. Cette cartographie des similitudes et des vibrations, de la manière dont les choses existent et pourraient exister les unes dans les autres, constituent un élément fondamental dans cette nouvelle série d’œuvres.
Les capitules globuleux de Stave diffusent des ombres noires qui s’étirent jusqu’aux tiges, évoquant des figures disséminées – métaphores d’un temps suspendu, irréductible. Des réseaux sombres et denses, évoquant une structure arachnoïde, s’étendent sur la toile. Par endroits, ils convergent pour former les lignes d’une portée musicale, se faufilant derrière les notes. Plus loin, les ombres se croisent de façon chaotique, rendant la lecture de l’espace plus complexe. Des gris plissés, presque liquides, miroitent au sol : un chuchotement optique s’y propage, entre le craquement et le velours, l’éclat et l’ombre, le haut et le bas.
Dans Sous-bois, une vibration lumineuse émane de l’interaction entre les lampadaires d’une rue et la lumière du soir. Cette superposition produit des verts singuliers, projetés sur les feuilles d’une plante ou filtrés par les lattes d’une clôture couleur menthe. Le terme Sous-bois, qui signifie « sous les arbres » ou « broussailles », a été utilisé comme titre par Cézanne et Van Gogh, et désigne désormais un sous-genre de la peinture impressionniste, réalisée en forêt. Représentant des scènes enchâssées dans la nature, ces « paysages » deviennent verticaux, proches et intimes. Pour cette œuvre, Francesca Mollet représente une végétation en croissance, tout comme les signes de sa décomposition. Elles se faufilent entre les planches d’une barrière pour s’amasser en une traînée compacte, semblable à une couronne posée au sol. Malgré cette orientation terrestre, la peinture est saturée de reflets du ciel, qui transforment les végétaux emmêlés en surfaces réfléchissantes, en halos lumineux ou en puits d’ombre.
Les peintures de Francesca Mollet s’articulent souvent autour d’éléments qui fonctionnent comme des brèches dans la composition. Loin de simplement fragmenter l’image, ces ouvertures proposent de nouveaux modes d’approche et de lecture. La lunaire annuelle (annual honesty), qui donne son nom à l’exposition, produit des gousses plates et translucides, semblables à des lunes. Surnommée également « monnaie-du-pape », elle révèle, avec sincérité, tout ce qu’elle contient. Une fois les gousses tombées, des membranes circulaires subsistent, dessinant le contour d'un trou ou d'une fenêtre. Dans cette mise en mouvement, fait d’apparitions, de disparitions et de retours, la plante incarne une forme d’honnêteté, miroir du processus même de la peinture.
Une part du processus de Francesca Mollett consiste à trouver un équilibre entre contexte et détail – à donner juste ce qu’il faut, en termes de composition, pour que quelque chose fonctionne ou s’active. Après tout, pour déstabiliser, il faut d’abord que les choses soient figées. La peinture devient une matière vivante, un terrain d’expérimentation où l’image se dépose et où l’artiste tente de faire émerger une essence capable de susciter un déséquilibre interne. De cette instabilité naît une tension latente, une énergie suspendue, prête à se retourner pour faire émerger l’œuvre dans une forme nouvelle. Ses compositions se déploient comme des cadres temporaires, mouvants, à travers lesquels l’image circule et agit dans la matière picturale. L’artiste oscille entre l’impulsion originale et une prise de distance, cherchant tour à tour un substitut à la dynamique qui s’opère dans la peinture aussi bien qu’un espace de liberté où l’œuvre peut se générer ou se transformer d’elle-même. En écho aux dynamiques élémentaires de transformation, ses peintures élargissent les potentialités de leurs sujets par l’abstraction. Par éclatement et recomposition, elles font apparaître de nouvelles chaînes de liens et des trajectoires en devenir. Chaque toile semble alors chargée d’une temporalité stratifiée, marquée par des vestiges, des indices, des passages vers ce qui a été et ce qui pourrait advenir.
– Texte de Bryony Bodimeade
Francesca Mollet est née en 1991 à Bristol. Elle vit et travaille à Londres. Elle est diplômée en peinture du Royal College of Art, Londres (2020) et a également étudié au Royal Drawing School et au Wimbledon College of Art, Londres.Son travail à fait l’objet d’expositions récentes notamment Elsewhere, Warehouse Dallas, TX (USA); Corso, GRIMM, New York, NY (USA); Noon, Pond Society, Shanghai (CN); Halves, GRIMM, Amsterdam (NL) et Low Sun, Micki Meng, San Francisco, CA (USA), 2023; The Moth in the Moss, Taymour Grahne Projects, Londres, 2022; Spiral Walking, Baert Gallery, Los Angeles, CA (US), 2022 et Wild Shade, Informality Gallery, Londres, 2021.
Son travail a été montré dans des expositions collectives comme A Room Hung With Thoughts: British Painting Now, curatée par Tom Morton, Green Family Art Foundation, Dallas, TX (US); New British Abstraction, CICA, Vancouver (CA); Considering Female Abstractions, Green Family Art Foundation, Dallas, TX (US), 2023; Sabrina, curatée par Russell Tovey, Sim Smith, Londres; The Kingfisher’s Wing, curatéer par Tom Morton, GRIMM, New York, NY (US), 2022; New Romantics, The Artist Room chez Lee Eugean Gallery, Séoul (KR); Down in Albion, L.U.P.O. Lorenzelli Projects, Milan, (IT), 2022; et London Grads Now, Saatchi Gallery, Londres, 2020. Le travail de Francesca Mollett fait partie des collections du Comico Art Museum Yufuin, Oita Japon; David and Indrė Roberts Collection, Londres; the Green Family Art Foundation, Dallas, TX; He Art Museum, Foshan, Chine; Institute of Contemporary Art, Miami, FL; K11 Art Foundation, Hong Kong; Kröller-Müller Museum, Otterlo, Pays-Bas; Kunstmuseum, La Haye, Pays-Bas; Olivia Foundation, Mexico City, Mexico; Pond Society, Shanghai, Chine; The Rachofsky Collection, Dallas, TX, US; Sainsbury Centre, Norwich, et The University of Oxford, St Hilda’s College Art Collection, Oxford.
Pour plus d’information, merci de contacter Pascale de Graaf (pascale@modernart.net).