Dans l’ensemble de son œuvre, Mohammed Sami explore avec constance le lien entre la peinture contemporaine et la mémoire épisodique. Il s’intéresse particulièrement à ce qu’il nomme le sentiment de « thereness » : cette impression d’être soudainement et involontairement projeté – souvent par une sensation – dans un lieu de l’esprit qui n’est pas « ici », mais ailleurs. Cette expérience est au cœur de sa démarche, profondément liée à son propre vécu migratoire et à la manière dont celui-ci continue d’imprégner sa subjectivité. En perfectionnant son usage de différentes techniques — composition, cadrage, couleur, texture, titres — Sami vise à élargir la capacité de la peinture contemporaine à évoquer des atmosphères spécifiques, sans jamais les imposer ni les expliciter. Dans chaque toile, un conflit sous-jacent se fait sentir, renforcé par le choix de l’artiste de ne jamais y inclure de personnages, laissant à chaque œuvre son identité propre. Quant à ses compositions, volontairement dissonantes, elles viennent perturber les perspectives naturelles et ne laissent entrevoir que des fragments de scène, induisant un état d’esprit fragmenté et instable. Les points de vue paraissent tantôt trop rapprochés – ne révélant que des détails sans profondeur –, tantôt obscurcis par l’ombre – de larges zones de la toile étant noircies –, provoquant une sensation troublante d’entre-deux. Couleur, texture, lumière et obscurité occupent un rôle central dans sa construction minutieuse des ambiances. Son geste pictural incorpore parfois des matériaux ordinaires – sable, peinture en spray – mêlés à la peinture, complexifiant encore son vocabulaire visuel. C’est dans l’entrelacement de ces éléments que s’ouvre la réflexion sur la manière dont sensations et atmosphères se cristallisent en mémoire.

Mohammed Sami est né à Baghdad en 1984. Il vit et travaille à Londres. Après avoir terminé ses études à l'Institut des Beaux-Arts de Bagdad, il a travaillé au ministère de la Culture avant d’émigrer en Suède en 2007. Sami est diplômé de la Belfast School of Art en 2015, puis a obtenu un master en arts plastiques (MFA) au Goldsmiths College de Londres en 2018. Son travail a fait l’objet d’expositions personnelles, notamment : Blenheim Palace, Woodstock; Fondazione Sandretto re Rebaudengo (both 2024), Camden Art Centre, Londres; De La Warr Pavilion, Bexhill-on-Sea (both 2023); and Modern Art, Londres (2022). Il a participé à des expositions collectives au Carnegie Museum of Art, Pittsburgh (2022); Aichi Prefectural Museum of Art (2022); the Whitechapel Gallery, Londres (2022); the Hayward Gallery, Londres (2021). Ses peintures sont conservées dans les collections du Buffalo AKG Museum; Arts Council Collection, Londres; the Government Art Collection, Londres; Centre Pompidou, Paris; San Francisco Museum of Modern Art; ICA Miami; MAMCO Genève; Genève; Metropolitan Museum of Art, New York; Museum of Modern Art, New York; The Carnegie Institute of Art, Pittsburgh; the Imperial War Museum, Londres; Los Angeles County Museum of Art; Moderna Museet, Stockholm; Tate, Londres; et à la York Art Gallery. Mohammed Sami exposera cette année au KM21 (La Haye) et à la Douglas Hyde Gallery (Dublin). Il est nommé au Turner Prize 2025 pour son exposition After the Storm au palais de Blenheim.